À propos de mon père (1974)

Johnny n’a inscrit ce titre à son tour de chant qu’une seule fois  dans un concert en 2000 à l’Olympia – 26 ans après sa création. Et ce n’est pas sa fréquence qui me pousse à faire ce post mais qu’elle est de ces chansons où Johnny se livre au plus intime.

Cette chanson, qui figure sur l’album Rock ‘n’ Slow, est composé par Marc Benois sur des paroles de Michel Mallory. Le texte colle au plus près de la réalité. Rarement Johnny en chanson ne s’est autant dévoilé sur un sujet, une histoire qui, il le dira, lui fait mal encore quelque soixante-dix ans plus tard. C’est l’histoire de Johnny tout entier dans cette chanson.

Il chante avec magie sur fond de ballade country et de nappe d’orgue menée par Thomas Michael Canning, accompagné des guitares de Robin Le Meusurier et Bryan Ray

Sur le livret de l’édition CD, en 2000, de l’album Rock ‘n’ Slow, Jean-François Brieu écrit que Cette chanson n’est ni belle ni sublime. Elle est importante. Elle est rare.

Outre l’album Rock’n’Slow en 1974, le titre sort en 45 tours (600958411) avec À l’hôtel des cœurs brisés 

La blessure

Johnny parlera – rarement – de cette blessure (Déraciné, le volume 1 de Destroy) :

Mon père a fait de moi un déraciné. Une déchirure qui me marquera à vie. Ma seule consolation : si j’avais eu un papa comme presque tout le monde, je n’aurai jamais rencontré Lee, le cow-boy de mon cœur, […], et je ne serai jamais devenu Johnny Hallyday

Ou encore au magazine Télérama en 2014 :

Il était alcoolique, séducteur, incontrôlable… Chaque fois qu’il avait un boulot, il le perdait. De lui, je n’ai connu que les pires aspects. L’abandon petit, puis les factures ou les frais d’hôpitaux à régler, la déchéance. On le trouvait ivre mort, écroulé au milieu de la rue. C’était dur, douloureux de n’avoir que ça de lui. Le manque de père a hanté ma vie.

Lorsqu’il rencontre son père Léon Smet pour la première fois, il est  connu sous le nom de Johnny Hallyday depuis 4 ans et fait son service militaire. Dans Johnny raconte Hallyday, Johnny dira :

C’est à l’époque de mon service militaire que j’ai vu mon père pour la première fois. […] On me dit : « Va au poste ton père est là qui t’attend ». […] J’y vais. […], « Mon fils ! », s’écrit-il. Et il se jette sur moi, m’embrasse, […], se répand en paroles tendres. Son accent belge et ses yeux bleus me font une certaine impression, je me dis que cet homme, après tout, est peut-être bien mon père, mais je n’ai pas le temps de m’interroger davantage : de partout, instantanément, sortent des photographes qui se mettent à mitrailler les effusions envahissantes de l’homme à l’ours en peluche…

Et dans Destroy, il complétera :

Après vingt et un ans d’absence, […], mon père avait vendu cinq mille francs à Ici Paris les retrouvailles avec son fils devenu une star.

Après l’épisode de la caserne, Johnny Hallyday ne réussira jamais à établir de relations avec son père. Il tente de renouer avec lui, d’améliorer son quotidien, mais cet homme, alcoolique  instable, retournera à sa précarité. Au cours d’un entretien pour la télévision belge, en 1983, interrogé sur la réussite de son fils, il dira même en parlant de son fils :

Il mène sa vie, il a brillamment réussi, je lui souhaite tout le bonheur mais à part ça je m’en fous !

Lors de ses obsèques, en 1989 à Schaerbeek, le chanteur sera marqué profondément :

Je ne sais pas si il avait des amis, mais personne n’est venu. J’étais tout seul derrière le corbillard. Ça ma fait peur. […] Vous vous rendez compte ? Personne pour vous emmener au cimetière, personne pour vous accompagner dans la terre…

Dans mes yeux en 2011, il se souvient des funérailles

Quand je l’ai enterré dans le petit cimetière de Schaerbeek, plus de quinze ans avant ce putain de coma dans lequel on m’a plongé, j’étais seul derrière le cercueil. Et moi, quand j’ai failli mourir, je me suis senti seul aussi

Les paroles

Je l’ai inventé tout entier
Il a fini par exister
Je l’ai fabriqué comme j’ai pu
Ce père que je n’ai jamais eu

J’imagine ma main d’enfant
A l’abri dans sa main de grand
Le seul homme en qui j’aurais cru
Ce père que je n’ai jamais eu

On m’a donné, on m’a donné la vie
Tant pis si je ne sais pas qui
Je garderai la part du rêve
J’en referai toute ma vie

N’en parlez pas, n’y touchez pas
Vous qui ne le connaissez pas
Il n’y a qu’en moi qu’il ait vécu
Ce père que je n’ai jamais eu

Il est parti vers un horizon, vers l’oubli
Il dort pour une longue nuit
J’imaginerai tout le reste
Oh ! Et j’imaginerai sa vie

Il était mon premier secret
Et je disais qu’il existait
Et j’ai menti tant que j’ai pu
Pour ce père que je n’ai pas eu

Oh ! Pour ce père que je n’ai pas eu
Oh ! Pour ce père que je n’ai pas eu

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