L’idole (1961–1964) en 1964

Dès 1963, Johnny Hallyday désire avoir son propre groupe plutôt que d’employer des musiciens de studio. Avec Bobbie Clarke, son batteur des Golden Stars, Lee Halliday et Eddy Vartan, ils se rendent aux Etats-Unis à la recherche d’un guitariste et d’un bassiste. Dans une boîte de New York, le “Trudi Heller”, se produisent les “Fire-Liters” avec Joey Greco et Raph Dipettro. Deux morceaux plus tard, Johnny est aux anges et au petit jour, dans un modeste café de Greenwich Village, l’accord se fait, et, en décembre 1963, les deux musiciens débarquent en France.

joey and the showmen
Extrait du texte au verso du super 45 tours du groupe Joey and The Showmen

De décembre 1963 à mai 1964, le groupe Jey and the showmen – « le meilleur orchestre qu’il a jamais eu » dira Johnny – comprend donc :  les américains Joey Gréco à la guitare solo – il dirige le groupe – et Raph Dipettro à la guitare basse ; les français Claude Djaoui à la guitare rythmique, Jean Tosan au saxophone ténor et baryton et Ivan Jullien à la trompette ;  l’anglais Bobby Clark à la batterie, le suisse Marc Hemmler au piano et à l’orgue Hohner.  De mars à mai 1964, l’orchestre enregistre une vingtaine de titres en studio avec Hallyday, et l’accompagne sur la scène de l’Olympia ainsi que dans la tournée qui s’achève le 1er mai. L’appel sous les drapeaux de Johnny Hallyday marque la fin du groupe. (Joey Gréco retrouvera Johnny en 1993 au Parc des Princes ou il joue sur le titre O Carole).

Le 27 février 1964, sort le 25 cm Les guitares jouent. Pour la première fois, avec Quand je l’ai vue devant moi, il chante une adaptation d’une chanson des Beatles et donne dans le country blues avec Excuse-moi partenaire.

Le succès, tant public que critique, est au rendez-vous de son troisième Olympia du 6 février au 15 mars 1964. où il est accompagné par son nouveau groupe Joey and the Showmen, tandis qu’Hugues Aufray assure la première partie. Olympia 64 est donc son 2eme enregistrement public et son 3e album live

Elsa Triolet était fan de Johnny et écrit dans les «les Lettres françaises» (numéro 1016 de 1964)

« Il ne laissait pas le temps à la salle d’applaudir, il excitait ses musiciens comme un cocher ses chevaux : «Plus fort ! Plus fort !  Encore plus fort !…». C’est le galop à mort, le délire de la vitesse, de la musique, de la danse… Il semblait connaître chaque spectateur dans la salle, s’amuser avec elle, follement et, soudain, confier son désespoir à tout ce monde, comme mortellement blessé, souffrant à la mesure de sa taille, de sa force et non pas à celle des mauviettes qu’il avait devant lui: «Pas cette chanson…» ou «Serre la main d’un fou…» du récital précédent, cette main que personne ne veut serrer. Un tigre souffre, lui aussi, et un adolescent donc !
Un métier à se demander s’il y a pour lui une coupure entre la vie quotidienne et la scène, tant il est chez lui dans la lumière des projecteurs, le public comme des convives qu’il veut combler, l’exhibition comme un amusement délirant, pour l’acquérir, ce métier, il faut qu’il ne l’abandonne jamais, qu’il s’exerce sans arrêt, que ce qu’il fait en scène, il le continue dans la rue, et en mangeant, et en dormant… Une image que cela, car à ce rythme, et aussi jeune animal joueur que l’on soit, il y aurait de quoi mourir cent fois d’une rupture du cœur !
Il fait un de ces potins, un tintamarre, un fracas énorme. On se trouve à l’Olympia comme à l’intérieur d’une cloche qu’on est en train de sonner. Insoutenable, insupportable, on en a le tympan enfoncé, la tête vous en éclate. Pourquoi, je m’extasie, dans ces conditions ? Mais parce que c’est une question de réglage des moyens de Johnny autant que de la sonorisation excessive de la salle – il faut bien dire que les autres, avant lui, semblaient hurler, eux aussi ! – et qu’il suffirait après tout de baisser le son pour que cela soit gagné.
A cause de ce fortissimo ininterrompu, vous être assourdi au point que le meilleur se perd, et pas seulement de Johnny : il a avec lui un batteur sensationnel dont il est difficile d’apprécier les prouesses folles, les crescendo et l’accélération étant rendus inaudibles dans ce perpétuel bruit de Niagara qui s’abat sur vous dès le premier moment de l’apparition de Johnny. Fureur ! Fureur de vivre, ô James Dean…
Le malheur d’être trop bien servi par les dieux… De quoi lui en veut-on, à ce splendide garçon, la santé, la gaîté, la jeunesse mêmes ? De sa splendeur ? De la qualité de ses dons et de son métier acquis, de sa sottise de jeune poulain ? Des foules qui le suivent irrésistiblement ? De l’argent qu’il gagne ? C’est la même haine que pour Brigitte Bardot. Et lorsqu’on leur tombe dessus, je reconnais en moi cette colère qui me prenait au temps où l’on essayait d’abattre Maïakovski, et d’autres fois, d’autres poètes… comme le soir où l’on a sifflé Hernani aux Français en 1952 pour le cent cinquantenaire de Victor Hugo. Cette volonté de détruire ce qui est trop bien, trop beau, trop gigantesque… La réputation que l’on fait à ceux que l’on veut détruire. Dieu sait pourquoi ! (…)
Je suis, comme vous le voyez, des fans de Johnny Hallyday. Vous trouvez cela grotesqueb? Vous avez tort, je suis à l’âge où, si on n’est pas un monstre, on aime ce qui est en devenir. Je ne peux pas attendre l’an 2000 quand on invitera un Johnny de cinquante-six ans, si mon compte est bon, à la Maison-Blanche…»

En février 1964 également, Marguerite Duras est chargée par la revue Adam d’interviewer Johnny. Son article sera intitulé La Ferrari, le poireau et l’autobus. Elle y fait part de ses doutes sur la vedette française actuellement la plus adulée qui, semble-t-il, ne comprend pas toutes les questions. Elle est dubitative sur l’authenticité du discours mais fascinée par son allure, son animalité. Elle capte ses angoisses métaphysiques, parlant de fêlure et de paradis perdu. Marguerite Duras repartira quelque peu ébahie par sa personnalité. À la différence de François Mauriac qui voit un produit marketing bien ficelé d’une société de consommation en marche et fustige ses danses obscènes de singes méchants et tristes.

En février 64 sort le film franco italien Cherchez l’idole ou il chante Bonne Chance.

Il donne encore quelques galas en province, à l’issue desquels il clôt provisoirement sa carrière, pour être incorporé, le 8 mai, au 43e régiment d’infanterie de marine d’Offenbourg (il a bénéficié d’un report d’une année afin de pouvoir honorer tous ses engagements).

Enregistré avant son incorporation, sort début juillet 1964 l’album Johnny, reviens ! Les Rocks les plus terribles. L’opus entièrement rock ‘n’ roll, propose des adaptations de standards américains. C’est son 5e album studio

L’armée profite du passage dans ses rangs pour 18 mois de la célèbre recrue pour tourner des petits films de propagande bon enfant, à l’attention de la jeunesse, ainsi que quelques émissions de variétés réalisées en direct de la caserne, et, à la condition qu’il pose en tenue militaire sur les pochettes de disques, il obtient l’autorisation de poursuivre ses enregistrements.

Une date majeure, le 3 juillet 1964. Eddy Mitchell donne un concert au Golf Drouot, où il a débuté en 1960 avec les Chaussettes Noires, en présence de Johnny Hallyday en permission et Sylvie Vartan. Eddy se produit avec son nouvel orchestre qui comprend entre autre un ex Cyclones, Jacques Dutronc. Eddy interprète entre autres Repose Beethoven – le Au Rythme Et Au Blues de Johnny -, Repose Beethoven  – version longtemps inédite de Jacques Dutronc –  et Maybellene de Chuck Berry – repris en anglais par Johnny en 1962. A leur répertoire commun, on a encore :

  • Sentimentale d’après Baby I Don’t Care, chanté par Johnny chez Vogue en 1961 et Ready Teddy, le Belle par Johnny, puisés chez Elvis Presley
  • Jolie Miss Molly adapté de Good Golly Miss Molly, que Georges Aber adapte pour Johnny en C’est Fini Miss Molly à l’Olympia 64
  • Oncle John issu de Long Tall Sally de Little Richard, rebaptisé Sally pour Johnny
    Johnny, Reviens ! adapté de Johnny B. Goode de Chuck Berry devient Eddie Sois Bon par les Chaussettes Noires en 1961
  • Tu n’as rien de tout ça issu de The Devil In Disguise d’Elvis

Ce gala réunit pour la première fois sur une même scène Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et Jacques Dutronc ! Nos vieilles canailles de 2014 et 2017.

En octobre 1964 sort l’un de ses plus grands succès, Le Pénitencier, sur le onzième et dernier 33 tours 25 cm

Des inédits

Vers une période difficile d’errances musicales et de reconquêtes (1965–1969) …. en 1965

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